L'oeil de Jeremy

9Nov/17Off

La fausse guerre des Fake News

Un sondage paru cette semaine aux États-Unis* contient un élément qui a dû réjouir Donald Trump?: 46?% des personnes interrogées, toutes tendances politiques confondues, estiment qu’une partie des informations concernant le président et son administration sont de pures inventions des grands organes de presse. C’est ce que Donald Trump appelle les "fake news" et avec lui le reste de la planète, anglophone ou non. J’ouvre ici une parenthèse. Je viens d’arriver en France et le choc linguistique s’amenuise à chacun de mes séjours, il semble que, des médias à la publicité, chacun pense qu’une affirmation aura plus de poids si elle est formulée en anglais. On ne reconnaît pas assez au Donald son talent de linguiste, il a introduit dans la langue française le concept maintenant omniprésent des “fake news”, que l’on pourrait tout aussi bien appeler “les fausses informations”. Des relations passionnelles, ambiguës et parfois grand-guignolesques Avant de s’en déclarer victime, Donald Trump a été un théoricien du contournement de la vérité. Il l’a exprimé dès 1987 dans son livre vedette ‘L’art du deal’?: “je joue sur les fantasmes des gens… ils veulent croire au plus grand, au plus spectaculaire. C’est ce que j’appelle ‘l’hyperbole de la vérité’, une forme innocente d’exagération et une forme de promotion très efficace”. Cette approche a été importée de son ancienne vie?: il ne faut pas oublier qu’avant d’être le trublion de la politique, l’actuel président a été un promoteur immobilier qui a fait des coups spectaculaires. Si vous allez à Chicago – ce que je vous conseille vivement –, vous verrez que parmi les chefs-d’œuvre d’architecture contemporaine du centre-ville figure la Trump Tower, non seulement en bonne place, mais au meilleur emplacement. “L’ego du Donald est un spectacle permanent qui lui a valu d’être, depuis des décennies, l’un des personnages fétiches de la presse américaine. Celle-ci a considéré comme une aubaine son entrée dans la course à la présidence” Un tel morceau de terrain reflète l’absence de doute de celui qui a décidé d’y associer son nom. L’ego du Donald est un spectacle permanent qui lui a valu d’être, depuis des décennies, l’un des personnages fétiches de la presse américaine. Celle-ci a considéré comme une aubaine son entrée dans la course à la présidence, comme en témoigne ce qu’a dit au printemps 2016 Leslie Moonves, président de l’une des institutions médiatiques du pays, la chaîne de télévision CBS?: “C’est super, l’argent coule à flots. Je n’ai jamais rien vu de pareil… cela va être une très bonne année pour nous. Désolé, c’est triste à dire, mais vas-y Donald, continue comme cela?!”. Comme on l’a vu, Donald a “continué comme cela” bien au-delà des prévisions de la presse. Un journaliste du ‘Washington Post’ qui avait promis de manger son article si, contrairement à son analyse, Donald Trump obtenait la nomination républicaine, s’est exécuté publiquement avec l’aide d’un restaurateur washingtonien qui a mijoté les morceaux de papier dans un ragoût. Nous étions, dès ce moment-là, entrés de plain-pied dans les relations passionnelles, ambiguës et parfois grand-guignolesques de Donald Trump et des médias. Pendant les premiers mois de sa cavalcade, la campagne Trump a fait de considérables économies sur l’achat d’espace publicitaire – elle en obtenait gratuitement grâce à une couverture médiatique 5 fois supérieure à celle de la campagne d’Hillary Clinton. La responsabilité des médias dans l’élection du 45e président est un débat que la société américaine n’a pas encore tranché, mais ce qui est sûr, c’est qu’ils ont grandement bénéficié les uns des autres. Comme le disait le président de CBS, l’argent a coulé à flots pour les organes de presse et certains en avaient grand besoin. L’édition nationale de CNN, qui était tombé dans un gouffre avec à peine plus d’un demi-million de téléspectateurs en prime time, a été miraculée par l’élection présidentielle. Dans les semaines qui ont suivi la victoire de Donald Trump, le ‘New York Times’ a enregistré 137?000 abonnements supplémentaires. “La responsabilité des médias dans l’élection du 45e président est un débat que la société américaine n’a pas encore tranché, mais ce qui est sûr, c’est qu’ils ont grandement bénéficié les uns des autres” Le ‘Washington Post’, acheté par le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos, se livre avec son rival new-yorkais à une guerre des scoops qui alimente en boucle leurs éditions en ligne. Les journalistes n’ont pas toujours à faire des efforts démesurés pour pêcher l’information car les proches du président ont la fâcheuse habitude de régler leurs comptes dans la presse. Quand ce ne sont pas les fuites distillées par les Atrides de la Maison-Blanche, ce sont les tweets présidentiels qui alimentent la machine. Donald Trump, qui ne supporte pas de ne pas avoir le dernier mot, a pu grâce à la technologie prendre en main sa propre communication pour mener avec la presse un combat singulier. Mais quand les uns et les autres y mettent autant d’ardeur, l’opinion publique finit par se demander s’il ne s’agit pas d’un faux combat, pardon… d’un “fake fight”?!

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