L'oeil de Jeremy

25Août/16Off

L’économique du Front National

Marine Le Pen a accepté l'organisation de ce séminaire selon le principe de la libre parole. Aucun programme thématique n'est imposé aux séminaristes pour leur permettre d'aborder toutes les questions librement. La présidente du Front national aborde donc cette réunion de deux jours et demi avec l'esprit ouvert. Mais, selon plusieurs sources, un point de son projet ne sera pas négociable: le combat pour la souveraineté et notamment la souveraineté monétaire. Marine Le Pen reste convaincue par les arguments des spécialistes maison lui indiquant qu'aucun véritable changement n'est possible sans une sortie de l'euro. C'est la raison pour laquelle, elle avait posé cette étape comme un préalable incontournable de son action en indiquant qu'elle était même prête à renoncer au pouvoir une fois élue si les Français ne lui accordait pas ce moyen, via un référendum. Sur le fond, il est donc peu probable qu'elle change. En revanche, sur la forme, la méthode et la communication liée à cette question, très anxiogène pour un électorat de droite sceptique, elle pourrait accepter des évolutions. Philippe Murer, le conseiller économique de Marine Le Pen, reconnaît un «sujet sensible» et admet la nécessité d'être «plus lisible» et «plus clair» sur la sortie de l'euro. En revanche, il estime que la proposition est incontournable dans le projet parce que sans sortie de l'euro «la France ne peut pas s'en sortir». Mais il pense que si le FN ne doit pas cesser de marteler ce à quoi il croit pour rester «honnête face aux Français», il doit également faire attention à ne pas dévoiler trop tôt un «secret de fabrication» en cherchant à clarifier cette question. Philippe Murer souhaite prendre au mot les détracteurs du FN sur le thème de la compétitivité. en leur disant qu'ils ont raison et que le «pilier» de cette compétitivité passe par un taux de change adapté. Sur cette question, les économistes du FN vont débattre avec des élus frontistes ou pas, qui vont plaider en faveur des chefs d'entreprise, notamment ceux des PME, au nom de l'économie réelle. Ces intervenants veulent réclamer une voix plus audible du FN sur plusieurs sujets qu'ils estiment majeurs dans le débat: coût de l'embauche et des 35h, droit du travail, fiscalité, simplification administrative… Ils estiment, comme le souligne le maire de Béziers proche du FN, Robert Ménard, que le programme économique du FN est parfois caricaturé en projet collectiviste parce qu'il est, à leurs yeux, «caricaturable». Certains réclament un rééquilibrage de la ligne économique du parti parce qu'ils estiment que la ligne dite «Philippot», du nom du vice-président du FN, occupe trop les antennes. Florian Philippot, l'un des frontistes les plus actifs dans les médias, plaide régulièrement pour l'Etat stratège alors que plusieurs élus pensent précisément que l'Etat intervient trop dans la vie économique du pays. Ils souhaitent que le Front national exprime clairement et de manière aussi forte qu'il le fait sur l'Etat fort, sa volonté d'engager des réformes sur le statut des fonctionnaires, le syndicalisme ou la complexité administrative. Plusieurs frontistes du sud de la France, qui citent l'audace économique du jeune président du conseil des ministres italien Mattéo Renzi comme un exemple, affirment que le programme économique du FN n'est pas jugé «crédible» par des électeurs de droite en attente d'actes forts dans ce domaine. «Nous ne sommes pas assez offensifs contre le slogan FNPS» jugent-ils. Philippe Murer estime pour sa part qu'il est possible de défendre d'éviter la caricature en montrant un projet «totalement équilibré» entre l'Etat, les entreprises et les salariés». L'économiste, qui affirme avoir une série de mesures en tête en faveur des entreprises, ajoute une mise en garde: «Mais attention de ne pas être caricatural en suivant les idées de fausses de Macron, Hollande et Sarkozy qui nous mènent dans le mur». Sur la retraite, compte tenu de l'évolution des chiffres du chômage, le FN est prêt à revoir les modalités du financement des quarante années de cotisation qu'il préconise. Mais la piste des fonds de pension, façon américaine, ne semble pas exploitable. «C'est une arnaque qui ne fonctionne pas» critique Philippe Murer en défendant la création d'emploi comme la solution du problème des retraites. L'ennemi c'est le coût du chômage évalué, selon lui, à plus de 100 milliards. Certains intervenants vont avancer la création de richesse comme moyen le plus efficace de lutter contre les déficits publics. Il y aura débat car les économistes du FN lient ce problème à l'absence de création de monnaie et de croissance. Pour eux la baisse des charges des entreprises et la politique de l'austérité ne sont pas une solution. En revanche, ils pensent qu'en jouant sur divers mécanismes et cercles vertueux (sortie de l'euro, exportations, monnaie, taux de change, protections contre la concurrence déloyale, commandes, entreprises innovantes…) il est possible de provoquer des rentrées fiscales. Ils pensent que la clef de la réussite est la modernisation de certaines politiques publiques qui ont fonctionné par le passé (La France de Colbert sous Louis XIV ou la France du général de Gaulle). Ceux qui voient le jeune Renzi comme un exemple, plaideront sans doute pour des références plus proches d'un monde moderne en pleine mutation. Un débat existe déjà au FN entre deux approches micro et macro économiques. Les universitaires du FN, critiques face à l'ultralibéralisme, estiment que l'on ne peut pas penser l'Etat comme une entreprise. Les chefs d'entreprises frontistes leur répondent avec méfiance que ce sont les stratèges économiques qui, depuis plus de trente ans, ont mis le pays dans l'état où il se trouve aujourd'hui. Trois jours de travail à Etiolles ne suffiront sans doute pas à mettre tout le monde d'accord au sein du parti de Marine Le Pen.