L'oeil de Jeremy

11Juil/16Off

L’entreprise en question

A vrai dire, cette étude critique qui n’interviendra que dans le chapitre quatrième sera précédée, dans le chapitre troisième, de l’examen de l’extension du mécanisme aux systèmes ouverts. Les considérations sur le langage et le sens du mécanisme auraient dû nous dispenser d’une telle étude. Si nous jugeons utile de lui réserver tout un chapitre, c’est pour porter la discussion sur ce qui nous semble être l’aspect problématique de l’idée mécaniciste : l’explication mécaniciste peut-elle avoir comme modèle de base à la fois le système fermé et le système ouvert ? Comme nous le savons, le mécanisme a été élaboré vraisemblablement dans une conjoncture épistémologique de la chimie-physique classique. De ce point de vue, le mécanisme a, le système fermé, pour modèle de base. Le concept de système ouvert apparaît comme un concept appartenant à une nouvelle chimie-physique qui n’est autre que la cinétique et la thermodynamique étendues. L’objectif du chapitre introductif de la deuxième partie de la thèse, en l’occurrence le chapitre troisième, touche donc essentiellement à la question de savoir si l’extension du mécanisme aux systèmes ouverts est vraiment possible, autrement dit, si la théorie des systèmes ouverts est vraiment mécaniste. On laisse toujours de côté la question de savoir si ce système de pensée est une véritable théorie. Celle-ci n’interviendra qu’une fois cette question résolue. Par l’examen des différentes problématiques développées dans les trois premiers chapitres, nous espérons, en définitive, préparer le terrain pour esquisser une critique épistémologique systématique qui, dans le chapitre quatrième, portera, comme annoncé, sur la structure interne du mécanisme. La systématicité n’est pas ici synonyme d’exhaustivité. Elle ne signifie pas non plus rejet a priori. Par critique systématique nous entendons une clarification des termes conceptuels du mécanisme et de son code de raisonnement ; clarification qui sera réalisée dans un cadre épistémologique spécifique et organisée en vue d’un gain cognitif précis. S’agissant du cadre épistémologique choisi, c’est la théorétique qui, à notre avis, est indiquée car elle traite des théories. Le gain de la connaissance recherché, c’est l’explicitation de l’armature interne du mécanisme. Conformément à l’idée que J. Ladrière se fait de l’objectif du discours épistémologique, il ne s’agira pas d’imposer au mécanisme une conception qui lui serait extérieure. Nous allons, en revanche, expliciter son armature interne, et, à partir de là, la critiquer. C’est dans cette logique que, les principes d’orientation du mécanisme une fois reconstitués grâce à l’explicitation de sa structure interne, il faut vérifier dans quelle mesure le mécanisme s’y conforme effectivement. Tel est, dans sa formulation générale, le problème épistémologique qu’il faudra aborder sous un double aspect : la critique de fidélité et la critique d’applicabilité. Au final, c’est par rapport aux exigences et critères d’une véritable théorie scientifique que la candidature à l’êtrethéorie- scientifique du mécanisme sera jugée et sanctionnée. Source: Séminaire Entreprise.

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8Mar/16Off

Les bienfaits de la philosophie positive

La philosophie positive est d'abord, profondément caractérisée, en un sujet quelconque, par cette subordination nécessaire et permanente de l'imagination à l'observation, qui constitue surtout l'esprit scientifique proprement dit, en opposition à l'esprit théologique ou métaphysique. Quoiqu'une telle philosophie offre, sans doute, à l'imagination humaine le champ le plus vaste et le plus fertile, comme nous l'a si hautement témoigné l'appréciation rationnelle des diverses sciences fondamentales, elle l'y restreint cependant sans cesse à découvrir ou à perfectionner l'exacte coordination de l'ensemble des faits observés ou les moyens d'entreprendre utilement de nouvelles explorations. C'est une semblable tendance habituelle à subordonner toujours les conceptions scientifiques aux faits dont elles sont seulement destinées à manifester la liaison réelle, qu'il s'agit, avant tout, d'introduire enfin dans le système des études sociales, où les observations vagues et mal circonscrites n'offrent encore aux raisonnemens vraiment scientifiques aucun fondement suffisant, et sont, d'ordinaire, arbitrairement modifiées elles-mêmes au gré d'une imagination diversement stimulée par des passions éminemment mobiles. En vertu de leur complication supérieure, et accessoirement de leur connexion plus intime avec l'ensemble des passions humaines, les spéculations politiques devaient rester plongées, plus profondément et plus long-temps que toutes les autres, dans cette déplorable situation philosophique, où elles languissent encore essentiellement, tandis que les études plus simples et moins stimulantes en ont été successivement dégagées pendant les trois derniers siècles. Mais il ne faut jamais oublier que, jusqu'à des temps plus ou moins rapprochés, tous les divers ordres des conceptions scientifiques, sans aucune exception, ont toujours offert un pareil état d'enfance, dont ils se sont affranchis d'autant plus tard que leur nature était plus complexe et plus spéciale, et d'où les plus compliqués n'ont pu réellement sortir que de nos jours; comme nous l'avons surtout reconnu, en terminant le volume précédent, à l'égard des phénomènes intellectuels et moraux de la vie individuelle, qui, si l'on excepte un très petit nombre d'esprits avancés, sont encore étudiés le plus souvent d'une manière presque aussi anti-scientifique que les phénomènes politiques eux-mêmes. C'est donc par une appréciation éminemment superficielle que l'on regarde habituellement aujourd'hui comme irrévocable et comme propre aux seuls sujets politiques cette disposition radicale au vague et à l'incertitude des observations, qui permet à l'imagination fallacieuse des sophistes et des rhéteurs d'y tourner pour ainsi dire à son gré l'interprétation des faits accomplis. La même imperfection a régné essentiellement jadis envers tous les autres sujets des spéculations humaines; il n'y a ici de vraiment particulier qu'une intensité plus prononcée et surtout inévitable prolongation, naturellement motivées par une complication supérieure, suivant ma théorie fondamentale du développement universel de l'esprit humain: et, par conséquent, la même théorie conduit à regarder, non-seulement comme possible, mais comme certaine et prochaine, l'extension nécessaire, à l'ensemble des spéculations sociales, d'une régénération philosophique analogue à celle qu'ont déjà plus ou moins éprouvée toutes nos autres études scientifiques; à cela près d'une difficulté intellectuelle beaucoup plus grande, et sauf les embarras que peut y susciter le contact plus direct des principales passions, ce qui ne devrait, sans doute, que stimuler davantage les efforts des véritables penseurs.